En 2023, la mission Fluorescence Explorer (FLEX) de l’Agence spatiale européenne ira scruter la faible lumière infrarouge émise par les plantes lorsqu’elles ont une activité de photosynthèse. Le 10 janvier 2019, Thales Alenia Space (TAS) a annoncé la signature d’un contrat pour assurer la maîtrise d’œuvre de la mission. L’instrument Floris et son double spectromètre seront intégrés sur une plateforme satellite sur le site de TAS au Royaume-Uni.
Une plante en bonne santé est rayonnante. Au sens propre du terme : lorsqu’elle a une activité photosynthétique, elle émet des photons dans le proche infrarouge. Cette lumière sera bientôt scrutée depuis l’espace par l’instrument Floris dans le cadre de la mission Fluorescence Explorer (FLEX) de l’Agence spatiale européenne (Esa). Si le lancement est prévu en 2023, Thales Alenia Space a annoncé le 10 janvier 2019 la signature d’un contrat avec l’Esa pour assurer la maîtrise d’œuvre de la mission. Objectif : assembler le satellite et son instrument – développé par Leonardo, acteur italien de l’aéronautique et du spatial – pour analyser l’état de la végétation terrestre grâce à son activité photosynthétique. « Le signal recherché est tellement faible que nous ne pouvons nous satisfaire de la moindre imperfection », affirme Raphael Berruyer, chef du programme FLEX chez Thales Alenia Space.
Au cœur de Floris se cache un double spectromètre. Un canal avec une basse résolution de 1,8 nm pour un échantillonnage de 0,6 nm couvre une bande spectrale allant de 500 nm à 740 nm. Soit environ le domaine visible. Deux autres canaux avec une résolution plus haute couvrent les intervalles entre 677 nm et 697 nm, et entre 740 nm et 780 nm. La résolution spectrale y est de 0,3 nm pour un échantillonnage de 0,1 nm. « Il y a un vrai gap entre la basse et la haute résolution, affirme M. Barillot, expert instrument Floris chez Thales Alenia Space. Le spectromètre à haute résolution est poussé à la limite de la technologie. »
Ce que masque l’oxygène
Pourquoi cette différence de résolution en fonction du canal ? « Les intervalles à haute résolution sont les plus importants, pointe M. Barillot. Car dans ces deux bandes, l’atmosphère est peu transparente en raison de l’oxygène qui absorbe la lumière. » De plus, le signal de fluorescence est en lui-même très faible, poursuit-il : « Quand tout va bien et qu’il y a de la photosynthèse, nous nous attendons à ce qu’il atteigne 1% à 2% du signal rétrodiffusé par la plante. » D’où la nécessité d’avoir un instrument suffisamment sensible, et de mettre en œuvre des solutions algorithmiques pour retrouver ce petit signal.
Si l’absorption de la lumière par l’oxygène dans ces deux bandes du spectre amène son lot de difficultés, elle s’avère aussi bien utile. Pour Marc Barillot, la coïncidence entre fluorescence et longueurs d’onde où l’atmosphère passe rapidement de transmission élevée à très faible est même une chance : « La mission tire parti de cette absorption pour réduire le contraste entre le fort signal solaire rétrodiffusé par la plante et le signal de fluorescence. Mais aussi et surtout pour mettre en place ses algorithmes. Ceux-ci exploitent le fait que la transmission de l’atmosphère dans ces bandes affecte différemment le signal de fluorescence – qui ne la traverse qu’une fois – et le signal solaire rétrodiffusé – qui la traverse deux fois. De plus, ce changement d’effet se produit de manière brutale lorsque la longueur d’onde varie. D’où le besoin de haute résolution spectrale. »
Un phénomène est particulièrement redouté : la lumière parasite. Par exemple celle d’un nuage qui réfléchirait fortement le soleil, au point d’éblouir et de gêner la détection de fluorescence au voisinage. « C’est le plus gros défi technique de l’instrument Floris », assure M. Barillot.
Une première pour TAS UK
Floris se placera en orbite à 815 km d’altitude en tandem avec l’un des satellites de la constellation Sentinel-3. Inclus dans le programme européen Copernicus, ceux-ci survolent actuellement la Terre en duo : Sentinel-3A et Sentinel-3B. Les deux jumeaux embarquent, entre autres, l’instrument OLCI (Ocean and land colour instrument) destiné à mesurer la couleur des surfaces océaniques et terrestres. S’il a une bande spectrale (entre 400 nm et 1020 nm) et une fauchée (1270 km) plus larges que Floris (150 km), OLCI ne dispose pas du zoom spectral sur les deux bandes d’absorption par l’oxygène. « Dans ces bandes, le signal est insuffisamment échantillonné pour que nous puissions retrouver la fluorescence convenablement », indique M. Barillot.
L’assemblage et l’intégration de Floris sur sa plateforme, ainsi que les essais, se feront sur le site de Thales Alenia Space situé au Royaume-Uni. « C’est la première fois qu’un système global y sera assemblé », relève Raphael Berruyer. Le site fournira également le système de propulsion du satellite. L’entité espagnole du groupe fournira le sous-système de radiofréquence comprenant les transpondeurs en bande X et en bande S. Le suisse RUAG contribuera à la conception et à la production de la plate-forme. Le tout s’envolera à bord d’une fusée Vega pour une mission de trois à cinq ans.
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